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10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 09:01

1° Article publié sur le site de l'association pour l'Autogestion


     Il fallait être sourd pour ne pas entendre les revendications des salariés d’Arcelor de la semaine dernière quand ils disaient : « on n’a pas besoin de Mittal pour produire de l’acier » en réponse à la « proclamation » de la volonté de nationaliser le groupe sidérurgique.


     La proposition de nationalisation a provoqué une onde de choc. Le Medef est monté au créneau et a crié au « scandale », relayé par une armée d’économistes qui venaient sanctifier ce « cours de morale » des patrons : « Ils ne sauront pas faire, la conjoncture est mauvaise, il n’y a pas de structure commerciale, l’État est un mauvais producteur, la nationalisation c’est dépassé, etc… ».

     Tous ces savants et économistes manquent de mémoire : lors de la crise de 2008, qui n’est toujours pas réglée, l’État a garanti les banques qui savaient faire mais qui … s’approchaient dangereusement de la faillite. En vérité leur leçon est simple : l’État doit garantir la vie des entreprises mais pas celles des salariés ! Et dans le monde d’aujourd’hui garantir les entreprises c’est garantir les puissances financières qui peuvent pomper la plus-value par toutes sortes de méthode.


     Le désastre de Florange était inscrit depuis août 2006, au lendemain du succès de l’OPA hostile de Mittal sur Arcelor. La sidérurgie lorraine paie aujourd’hui le prix de l’échec d’un modèle financier mis en place lors de cette attaque boursière. Lakshmi Mittal, financier de haut vol, en est le premier acteur avec la banque Goldman Sachs comme conseillère qui l’a accompagné dans tout ce périple. Négligeant les réalités industrielles du secteur sidérurgique, ils ont soutenu la financiarisation d’une industrie lourde, ce qui menace aujourd’hui de l’entraîner par le fond.

     La sidérurgie est une industrie cyclique liée aux fluctuations économiques. Quand la crise s’aggrave, le marché automobile, l’un des principaux débouchés de la sidérurgie, s’effondre.

     Fin 2011 ArcelorMittal a plus de 22,5 milliards d’euros d’endettement net contre 19,7 milliards l’année précédente. Ses frais financiers s’élèvent à plus de 2,8 milliards d’euros. Ce qui ne l’empêche pas de verser 2,3 milliards d’euros de dividendes – plus que son bénéfice net de 2,2 milliards – dont 943 millions pour la seule famille Mittal. Les impôts du groupe, eux, s’élèvent à peine à 900 millions d’euros pour l’ensemble du groupe, dont zéro en France, grâce au miracle des prix de transferts. La finance ne s’embarrasse pas de tout cela, elle fait dans « le brutal ». La stratégie de Mittal/Goldmann Sachs est depuis toujours basée sur un « Mur de dettes ». Quand il y a trop de dettes, il licencie et il ferme. Il a acheté avec des dettes, le marché se rétracte, il ferme. Le reste est littérature pour le gouvernement Hollande-Ayrault.

     Les ouvriers d’Arcelor le savent bien et quand ils entendent « nationalisation » ils entendent (voir sur le journal de France 2) et pensent « on n’a pas besoin de Mittal pour produire de l’acier ». Idem est la réaction des travailleurs des Chantiers navals de Saint-Nazaire qui en appellent aussi à la nationalisation. Cette réaction est proche de celle des salariés qui reprennent leur entreprise en SCOP. Le Tribunal vient de donner raison aux salariés de la SET qui vont pouvoir reprendre leur entreprise en SCOP à la barbe du groupe américano-singapourien Kolicke & Soffa. Dans tous ces exemples, il s’agit de se dégager de la tutelle du capital pour organiser soi-même la production.


     Il n’y a pas d’opposition fondamentale entre la nationalisation (non pas temporaire mais durable) et la reprise en SCOP. Les deux formes constituent des formes de propriétés collectives. La SCOP constitue une première forme de négation de la propriété privée du fait de l’application du principe « une personne, une voix » et de la constitution de réserves impartageables. Avec la nationalisation, l’unité de production appartient juridiquement à la collectivité. Reste à savoir qui organisera sa gestion : une direction nommée par le pouvoir qui reproduira les règles du capital ou une gestion par les travailleurs pilotée et orientée par les usagers, citoyen-nes et pouvoirs publics ? Dans tous les cas, il s’agit tout à la fois d’arracher la propriété des moyens de production au capital et d’assurer la mise en œuvre d’autres formes de rapports sociaux dans l’entreprise, d’autres modes de décision dans l’entreprise et dans la société. Pour l’heure, la nationalisation/expropriation de Mittal permettrait de montrer aux Medef du monde qu’ils ne sont plus les maîtres et permettrait  de sécuriser l’emploi, de développer de nouveaux pouvoirs dans l’entreprise pour les travailleurs et de redéfinir une politique sidérurgique répondant aux besoins sociaux. Il s’agit là d’une question centrale qui mérite un grand débat politique auquel l’Association pour l’Autogestion ne peut que souscrire.


     Dans l’immédiat, même si nous ne s’agissait que de nationalisation en vue d’une revente ultérieure, le gouvernement a préféré refermer la boite de Pandore de l’appropriation sociale, quitte à trahir les salariés de Florange et accepter la fermeture programmée des hauts-fourneaux suite à l’abandon du projet Ulcor…  On n’a pas eu à attendre longtemps pour apprécier les mensonges de Mittal.

 

2° Pétition à l'appel de Salariés de Florange

 

     Nous sommes aujourd'hui plus de 15.000 personnes à avoir signé la pétition http://sauvonsflorange.wesign.it/fr que nous avons lancée le 29 novembre 2012.

 

     Nous vous remercions pour ce soutien et pour les nombreux mails et messages d'encouragements que vous nous avez adressés.

 

     Comme vous l’avez tous compris, nous exigeons du gouvernement et de Mittal les garanties du respect de l'accord actuel.

 

     Nous souhaitons avoir des garanties quant à l'échéancier sur un investissement réel d'un niveau suffisant pour garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi sur le site.

 

     Tant que nous ne serons pas satisfaits des garanties proposées, nous continuerons à mettre la pression sur le gouvernement et sur Mittal,.

 

     Nous maintenons donc notre pétition lancée par et pour les salariés de Florange pour qu'en cas de non respect de l'accord, la nationalisation revienne sur la table et redevienne possible.

 

     Nous vous demandons donc de continuer à signer et à faire signer cette pétition : http://sauvonsflorange.wesign.it/fr .

 

     C'est un formidable moyen de pression populaire et si chacun de nous l'envoie à 5 personnes de son entourage, nous aurons une formidable arme dans les négociations à venir.

 

Edouard MARTIN, CFDT ARCELOR MITTAL Florange

Serge BANQUART, ARCELOR MITTAL Florange

ALI YAYAHOUI Djaffar ARCELOR MITTAL Florange

Marc MICHEL, ARCELOR MITTAL Florange

CELA Gregory, ARCELOR MITTAL Florange

NICOTRA Maurizio, ARCELOR MITTAL Florange

BARON Jérôme, ARCELOR MITTAL Florange

THACH VET Thierry, ARCELOR MITTAL Florange

JOLLIOT Jérémie, ARCELOR MITTAL Florange

DEFREITAS  Luis, ARCELOR MITTAL Florange








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10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 08:36

     Je lis dans la presse de ce jour que, dans le cadre de la "Conférence Nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale" (ce n'est pas moi qui a inventé ce titre pédant), il y a une proposition concernant le quotient familial. 

     Il s'agirait de le supprimer et de le remplacer par un crédit d'impôt de 715 € par enfant à charge. Cette demande reprend une revendication commune à la CFDT et au PS (qui a copié sur l'autre ?) qui, d'ailleurs, était moins généreuse (le dernier congrès national de la CFDT préconisait la somme de 607 €)

 

     Sous des apparences "sociales", cette proposition est très dangereuse car doublement négative : 

 

     Elle est insuffisante pour augmenter les ressources des familles pauvres mais, dans ce cas précis, elle entraînerait une inégalité fiscale au profit de ceux d'entre eux qui ont des enfants

     Elle alourdit - parfois considérablement - la charge fiscale des familles riches voire des classes moyennes. Pour prendre un exemple, un couple de cadres du public ("coeur de cible" des socialistes) ayant 2 enfants verrait ses impôts augmenter de quelques milliers d'€ surtout s'ils sont en fin de carrière. Les grands perdants seraient aussi les parents de familles très nombreuses (5 enfants et plus) dont le niveau de vie est déjà plus bas que celui des couples sans enfant ayant le même statut social.

 

      D'autre part, il s'agit d'un leurre. En effet, calculer un crédit d'impôt sur la base d'une montant précis et non d'un pourcentage a toujours pour conséquence que l'avantage procuré par ce crédit d'impôt se réduit d'année en année car la revalorisation est toujours insuffisante.

 

     Mais, surtout, la mise en cause du quotient familial montre une ignorance de ce qu'est celui-ci.

 

     A savoir : réduire la progressivité de l'impôt sur le revenu pour les foyers fiscaux ayant des enfants à charge de façon à ce que ceux-ci ne soient pas défavorisés par rapport aux foyers fiscaux n'ayant pas d'enfants. C'est ce que l'on appelle l'équité horizontale. Par conséquent cette mesure favorise toutes les familles - du moins celles qui auraient payé l'IRPP - et ceux qui gagnent plus en profitent plus que ceux qui gagnent moins. C'est logique. Ce qui fait dire à quelques démagogues à la petite semaine que le quotient familial favorise les riches ayant des enfants. Ils ont inventé l'eau chaude !

 

     Il s'agit, enfin , d'une mesure démagogique.

 

     En effet, si on voulait introduire plus de justice fiscale et sociale, il faudrait prendre les mesures suivantes : 


          1° Augmenter la part de l'impôt sur le revenu dans les recettes de l'État. Si tout ménage était imposable, les réductions d'impôts profiteraient à tous. Par contre, cela réduirait la TVA et augmenterait le niveau de vie de tous et particulièrement des plus pauvres (du moins en pourcentage)

 

          2° Accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu qui s'est considérablement réduite depuis des dizaines d'années. De ce fait, l'avantage - jugé excessif - procuré aux familles riches par le quotient familial serait raboté mais l'équité horizontale serait conservée. Une mesure aux effets assez proches mais nettement moins équitable a été prise il y a quelques années et confirmée par la loi de fiinances 2013 : plafonner l'avantage procuré par le quotient familial. 

 

          3° Augmenter les allocations familiales. Celles ci ont baissé depuis leur mise en place après la seconde guerre mondiale. Et, surtout, il y en a de plus en plus qui sont sous conditions de ressources ou de situation familiale ce qui brouille l'analyse. Si on reprend l'idée des adversaires du quotient familial, une augmentation moyenne des 60 € par mois et par enfant aurait le même résultat "social". A une nuance près : le quotient familial concerne les "enfants à charge" jusqu'à 25 ans éventuellement (donc : les étudiants ou les jeunes chômeurs et précaires) pas les allocations familiales qui s'arrêtent plus tôt. On pourrait également accorder les prestations familiales dès le premier enfant.

 

     4° Augmenter les "minima sociaux" et les bas salaires. Ce qui permettrait de sortir de la pauvreté des miliions de familles. Le gouvernement laisse entendre qu'il pourrait donner un coup de pouce pour les premiers qui sont - il est vrai - ridiculement bas.

 

            5° Et si on veut réformer le quotient familial sans le supprimer, on pourrait le moduler selon l'âge des enfants (comme pour les allocations familiales)

 

     Dernière remarque : Si on suit la CFDT et le PS, l'aide aux familles serait, en partie, fiscalisée. Comme dans le même temps, les allocs sont de plus en plus faibles, on constaterait une baisse de la part salariale et patronale dans le financement de la protection sociale. Donc des soit-disant "charges patronales" ; en réalité de la plus value. Merci patron !

 

     NOTES : 


     La multiplication des aides sociales et familiales sous condition de ressources est une idée du père de Martine Aubry, Jacques Delors, qui servit avec zèle la droite puis la gauche. Elle a des avantages mais un double inconvénient : un fort pourcentage des bénéficiaires potentiels ne les demandent pas ; elle mine le principe de l'universalité des prestations familiales (qui, en droit, sont une aide à l'enfant). Rappellons que Martine Aubry avait voulu mettre les allocations familiales dans leur ensemble sous conditions de ressources (le but inavoué étant de faire des économies)

 

     Ne pas confondre avec un autre quotient familial, agrégeant l'ensemble des revenus d'une famille, qui permet de déclencher l'ouverture de droits à prestations (exemple  les tarifs des cantines ou crèches...). Qu'en serait-il avec cette proposition ?

 

     Certains adversaires du QF laissent entendre que l'État "donne" ainsi de l'argent aux contribuables. C'est confondre deux choses 

 

          - La réduction d'impôt. L'État ne vous donne pas d'argent mais vous payez moins ou pas du tout. Elle peut prendre trois formes pricipales : 

               * Soit une réduction du total imposable (ex : les fameux 10% - voire plus - pour frais professionnels) 

               * Soit une réduction de la progressivité de l'impôt (le QF mais, également, le Quotient Conjugal pour les couples mariés ou pacsés)

               * Soit une réduction de la somme à payer (ex : pour les dons aux oeuvres...)

 

          - Le crédit d'impôt. On vous donne de l'argent si vous êtes non imposable (soit directement, soit du fait d'une réduction d'impôt en "fin de course") Le cas le plus connu est l'avoir fiscal mais il y a également la prime pour l'emploi et bien d'autres.

 

     Concrètement, ceux qui font des dons s'en rendent compte. Admettons que vous devriez payer 1000 € d'impôt et que vous faîtes 4000 € de dons ou de cotisations + que vous avez des enfants collégiens, lycéens ou étudiants + quelques autres réductions. Vous pouvez prétendre obtenir autour de 1500 € de réductions mais on ne vous comptera que 1000 € et vous serez non imposables. Si c'était un crédit d'impôt, on vous signerait un chèque de 500 €

 

       Le PCF ainsi que d'autres économistes et sociologues de gauche (Jean-Marie Monnier, Henri Sterdyniak, Arnaud Parienty) sont contre la suppression du QF. Tous signalent que le quotient familial n'est pas une aide

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23 octobre 2012 2 23 /10 /octobre /2012 19:06

     Des maternités ferment, des hôpitaux ferment. Dans notre secteur géographique, nous pouvons nous sentir épargnés du fait de la construction de l'hôpital du Bailleul mais il remplace 2 anciens hôpitaux et une ancienne clinique privée qui - bien que parfois plus vétustes - étaient plus proches des habitants de Sablé et La Flèche et de nombreuses communes de nos cantons. 

     C'est la raison pour laquelle je fais suivre ce communiqué : 

 

 

COMMUNIQUÉ 

DE LA COORDINATION NATIONALE DE LA CDHMP (1)

 


            Quand l’éloignement des maternités est peut être une des causes du décès d’un nouveau-né sur la route, les membres de la CN-Coordination Nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité ont d'abord une pensée émue et attristée pour les parents victimes de ce drame. Ils rappellent que ce décès illustre malheureusement de façon dramatique la faillite et les manquements de l’organisation territoriale des services publics de santé imposée par les Agences Régionales de l’Hospitalisation hier et par les Agences Régionales de Santé aujourd’hui, au mépris des attentes des populations et de leur sécurité.

            De 1369 en 1975 le nombre de maternités est passé à 535 en 2010, sans parler des fermetures plus récentes : Saint Avold (Meuse), Hayange (Moselle), Saint-Antoine- Paris, Saint-Vincent de Paul -Paris, Léonard de Vinci  (Ile-de-France), Marie-Galante, Vire et La Seyne sur Mer, ni de celles qui sont menacées à Apt, Mont Saint-Aignan, Le Blanc… En détruisant les 2/3 de nos maternités, les pouvoirs publics sont responsables de la destruction du maillage sanitaire, solidaire et égalitaire, de notre territoire.

                        Sur de nombreux territoires ces fermetures, qu'au côté des élus et des professionnels de santé nous dénonçons depuis de nombreuses années en qualité d'usagers, transgressent le temps de 45 minutes pourtant retenu comme délai de référence en termes de sécurité pour la femme et l'enfant. Ces situations ne peuvent être ignorées des autorités sanitaires. Elles sont répertoriées dans plusieurs études de la DREES dans lesquelles les temps d’accès sont sous-estimés du fait du mode de calcul retenu.


            Quand des décisions de fermeture de services publics de santé, prises hors de tout contrôle démocratique, ont des conséquences d’une telle gravité les membres de la Coordination constatent qu’il y a rupture du pacte républicain et demandent au Président de la République, au Premier Ministre et à la Ministre de la Santé, au nom de l’égalité d’accès aux soins pour tous :


de décréter en urgence un arrêt immédiat des fermetures de services (maternités, cardiologie, réanimation, urgences, CIVG, Centres de santé, etc.) et d’établissements publics de santé.

d’abolir dans les plus brefs délais les pouvoirs exorbitants des directeurs généraux d’Agence Régionale de Santé résultant, dans ce domaine, de la loi « Hôpital, Santé, Patients et Territoires » et de rétablir des procédures démocratiques pour la définition de l’organisation territoriale de santé.

de rouvrir des services où c'est nécessaire en fonction des territoires et des populations concerné(e)s pour que s'applique partout la loi républicaine en raison des spécificités géographiques, du maintien de la continuité des soins et de la sécurité des personnes (par exemple pour les maternités à Marie Galante, La Seyne sur Mer, Lannemezan ou Valréas…).

en finir avec des fusions nocives et réductrices et casser celles qui le souhaitent comme à Pertuis ou à Creil-Senlis. Mettre en place des réseaux et des complémentarités démocratiquement choisi(e)s.


Lure (Haute Saône) le 23/10/2012 - Pour la CN son président Michel ANTONY

 

(1) Il s'agit de la Coordination Nationale de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité, fondée à Saint Affrique (Aveyron) en 2004, comme regroupement de divers comités de défense locaux. Cette coordination, elle même, est membre d'une autre coordiantion qui défend les services publics menacés.

 


 


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24 novembre 2011 4 24 /11 /novembre /2011 14:20

     Les élections professionnelles dans l'Éducation Nationale ont eu lieu il y a quelques semaines.

 

     Traditionnellement, avaient lieu, tous les 3 ans, l'élection des Commissions Administratives Paritaires ; au niveau national ainsi qu'au niveau académique ou départemental selon les cas  (CAPN, CAPA, CAPD). Ces élections ne concernaient que les titulaires (récemment, ont été créées des organes paritaires pour les non titulaires) et étaient organisées par corps ; les deux plus importants étant celui des certifiés (principal corps des collèges et lycées) et celui des instituteurs devenus professeurs des écoles. Chaque organisation syndicale (et elles sont nombreuses dans l'Éducation Nationale) présentait des listes à tous les niveaux. La représentativité des syndicats - et, par voie de conséquences - les moyens qui leur étaient accordés en terme de participation aux diverses instances et surtout en décharges de services pour animer le syndicat - était calculé en fonction de ces résultats. Avec une nuance : dans la mesure où seuls 5 confédérations (CGT, CFDT, CFTC, CGC et FO) étaient considérées comme représentatives, les autres devaient prouver leur représentativité et risquaient de voir leurs listes invalidées a priori (cas fréquent de SUD il y a quelques années).

 

     Cette année, grande nouveauté. La représentativité est mesurée sur d'autres critères. En effet, tous les agents votent qu'ils soient titulaires ou pas. Et surtout, tout le monde , vote, le même jour ou presque,  pour élire des Comités Techniques Paritaires (Ministériel, Académique et Départemental) qui seront la nouvelle mesure de la représentativité.       

      C'est plus démocratique ! Le problème est que le vote électronique quasi généralisé a entraîné une baisse spectaculaire de la participation ; celle ci étant inférieure à 40% seulement. Ce qui fausse sans doute les résultats.

 

     Premier constat : tous les syndicats perdent des voix. Il faut avoir ce fait en tête quand on lit les communiqués de victoire publiés ici et là. Ceux  qui ont progressé en pourcentage ne sont donc que des vainqueurs relatifs. Ce qui devrait inciter à plus de modestie.

 

     Second constat : seules 2 organisations syndicales dépassent leur plus haut niveau historique (au moins depuis les années 50) : il s'agit de FO (un peu plus de 10%) - qui se paie le luxe de déloger la CFDT de sa 3ème place dans l'EN -  et de la CGT passant à la 5ème place avec près de 6,5%. Mais ces 2 organisations ont évolué différemment : FO revient de loin après des années d'érosion successives qui avaient suivi  son bond spectaculaire de 1983 ; par contre, la CGT progresse régulièrement dans un milieu où elle était marginale.

     Petite nuance : si on prend en compte l'ensemble des personnels de l'Éducation Nationale + les enseignants dépendant d'autres ministères (Agriculture, Jeunesse et Sports, Enseignement Supérieur et Recherche...) + quelques autres, l'ordre d'arrivée est différent : FO est 4ème avec 9,5% talonnée par la CGT avec 9,3%.

 

     Le cas de l'UNSA est particulier. Elle conforte sa seconde place et dépasse les 20%, quel que soit le mode de calcul, avec une forte progression en points de pourcentage chez les enseignants.

     Ce qu'on ne dit pas c'est que l'UNSA est l'héritière directe de la FEN. Or, celle ci, qui avait décidé en 1947 de ne pas choisir entre la CGT et FO, fut, pendant 45 ans une fédération extrêmement puissante qui était une véritable institution. Pendant des décennies, quand on était instituteur, on adhérait quasi automatiquement à la FEN et à toutes les organisations fondées et animées par des enseignants membres de la FEN : mutuelle (MGEN), compagnie  d'assurance (MAIF), achats par correspondance (CAMIF), etc... La FEN revendiquait 550 000 adhérents au début des années 70 soit plus d'un personnel sur deux dans l'Éducation Nationale (et un pourcentage bien plus élevé chez les instituteurs). Elle obtenait plus des 2/3 des voix aux élections professionnelles (ce qui explique également les adhésions ; si les représentants aux commissions décidant de votre carrière sont tous à la FEN, autant éviter que votre dossier soit mis sous la pile pour cause d'appartenance à la concurrence)

     Or, la FEN, dominée depuis l'origine par des militants socialistes, rentra en crise à partir de la fin des années 70 : progrès d'une CFDT plus contestataire et imaginative, poussée provisoire de FO et, surtout, dissensions internes du fait des progrès de la tendance dominée par les communistes qui dirigeait plusieurs syndicats "catégoriels" dont celui du second degré.

     Les dirigeants de la FEN réagirent en commençant par se débarrasser de leur secrétaire général, tout juste réélu ,en juin 1991 (un autre putsch aura lieu en novembre 1992 pour débarquer le secrétaire général de la CFDT en usant de méthodes sordides) puis en expulsant les syndicats oppositionnels. Contre toute attente, ce fut un suicide ! Les oppositionnels créèrent alors dans l'urgence une nouvelle fédération, la FSU, qui dépassa la FEN dès 1993 et reste encore très largement devant.

     Aujourd'hui, la FEN, devenue UNSA quelques années plus tard, avec l'arrivée de syndicats d'autres branches a - au bas mot - 4 à 5 fois moins de voix que le FEN aux temps de sa splendeur.

 

     La CFDT a enrayé le déclin qu'elle subissait depuis 2005. C'était après 2003 et le soutien du secrétaire général de le CFDT à une réforme des retraites particulièrement dure pour les enseignants. D'où des départs du syndicat malgré la position du SGEN (la Fédération CFDT de l'Éducation Nationale) : seul sur 40 à avoir voté contre en Bureau Nationale ! D'où un recul en 2005 et 2008.

     Les résultats de la CFDT aux élections 2011 sont plus ou moins satisfaisants selon l'angle d'analyse : + 1 point dans l'Éducation Nationale (mais un recul chez les enseignants du primaire et du secondaire aux élections paritaires), + 1,5 points si on y ajoute d'autres catégories.

     Mais, dans les années 80, la CFDT représentait autour de 15 % dans l'E.N. et plus de 11.5 % en 1999. Pas  de quoi pavoiser.

 

     Il faut avoir cet historique en tête pour apprécier à sa juste valeur le commentaire selon lequel ces élections seraient une victoire pour les "syndicats réformistes" !!!!

 

     Formule curieuse car tous les syndicats sont réformistes par définition. Néanmoins, dans le langage cédétiste, "réformiste" signifie qu'on ne remet pas en cause le capitalisme et que l'on se démarque des syndicats dits "catégoriels" et "contestataires". Et que l'on souhaite "développer le dialogue social" dans l'E.N. (pour autant que le gouvernement ait cette intention ce qui reste à prouver). Ce terme "réformiste" désigne donc la CFDT et l'UNSA. Quand on représente grosso modo 30% des voix et à peine 12% des personnels peut on crier victoire ? D'autant que si le "concurrent" FSU recule (voir plus loin) des "contestataires"  comme la CGT, FO et SUD progressent ou se maintiennent. Il est vrai que certains reprennent volontiers le slogan de Castro après l'échec de la récolte de canne à sucre en 1970 : "Transformer les revers en victoire" ! Pour preuve l'absence totale d'autocritique dans la plupart des instances CFDT à tous les Congrès locaux ou national suivant 2003 (certains se félicitant même du départ des "oppositionnels" reprenant la formule de Lénine : "Le parti se renforce en s'épurant")

 

     Et les autres ?


     - C'est un échec évident pour la FSU. Elle recule en points de pourcentage de façon assez sensible, pesant autour de 40% car elle n'a pas su mobiliser les personnels. Est ce à dire qu'une organisation implantée quasi uniquement dans l'Éducation n'a pas d'avenir ? Le fait que tous ses concurrents soient rattachés à une confédération et qu'ils en profitent plus ou moins semble être une indication en ce sens. Sans négliger que sa structuration en syndicats catégoriels et en tendances réduit sa cohésion, chaque syndicat ayant tendance à travailler pour sa propre paroisse. Tout ceci au détriment d'une vision d'ensemble du salariat actuel public ou privé (mais la distinction perd de plus en plus de sens).

     - Coup d'arrêt pour SUD. Créé principalement par des militants issus de la CFDT et de la FSU, ce syndicat avait séduit par son radicalisme et son inventivité. Il fait du surplace à ces élections après une progression assez régulière depuis une dizaine d'années

     - Recul et marginalisation des syndicats de droite. CGC, CFTC et autonomes reculent ou stagnent. On ne peut que s'en réjouir. Sarkozy a tout fait pour mécontenter les personnels de l'EN et ceci explique cela.

 

     Mais l'essentiel est ailleurs : une régression spectaculaire de la condition enseignante.

 

     Quelques exemples :

 

          - Baisse du pouvoir d'achat. C'est tout à fait exceptionnel pour les salariés ayant un emploi. A diplôme et compétence égaux, un enseignant gagne aujourd'hui - au mieux - les 2/3 de ce que gagnent les autres cadres. Et - si on additionne  les salaires et les primes - un enseignant débutant ne gagne désormais que 15 à 20 % de plus que les ouvriers d'entretien et d'accueil débutants. Il faut savoir qu'un professeur des écoles n'a pas de prime sauf très ponctuellement, pas de 13ème mois. Les enseignants paient intégralement leur mutuelle, n'ont pas de CE et, souvent, doivent payer leurs instruments de travail. Avec Sarkozy, le salaire net va même baisser.

 

          - Augmentation de la durée du travail. Avant 2003, il fallait 37,5 ans de cotisations pour avoir une retraite à taux plein à 60 ans voire 55 ans ou avant. Si on n'avait pas ces 37,5 années, on perdait quelques dizaines d'euros au maximum. 8 ans après, il faut cotiser 41 ans (4,5 années de plus), on ne peut pas partir à 60 ans et si on n'a pas les conditions requises on perd beaucoup plus

 

         - Aggravation des conditions de travail. Élèves plus difficiles, classes plus chargées, changements de programme à une vitesse accélérée, alourdissement des tâches.....C'est travailler plus pour gagner moins.

 

          - Suppression massive d'emplois. - 60 000 postes de titulaires depuis l'arrivée de Sarkozy. Et le nombre d'élèves ne diminue pas. D'où la dégradation évoquée plus haut et le recours croissant aux "intérimaires". Plus la suppression de mesures d'aides aux élèves en difficulté.

 

        - Réduction spectaculaire du nombre de postes aux concours. Privant les jeunes de la possibilité d'exercer le métier qu'ils ont choisi. Economie de bout de chandelle car les salaires évoluant avec l'ancienneté, plus les enseignants sont âgés plus ils coûtent cher.

 

          - Renforcement programmé de la hiérarchie. Moins de chefs d'établissement mais avec des pouvoirs croissants.

 

     La véritable victoire ce serait d'inverser la tendance. Face à cette situation de régression qui annule des dizaines d'années d'avancées sociales, les communiqués de victoire sont indécents. Plutôt que d'opposer les réformistes auto proclamés aux contestataires anathémisés, il vaudrait mieux créer les conditions d'une riposte déterminée. Tout le reste est littérature.

 

Post scriptum : J'apprends que Nicole Notat (qui a 64 ans) a été nommée médiatrice à la SNCF (à défaut d'avoir pu devenir ministre de Chirac). On peut supposer qu'elle ne le fait pas bénévolement. A quand une retraite méritée (et que j'espère) ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 18:31

     Il est rare que des représentants d'une profession soient désignés - du moins dans la presse - par un diminutif. C'est pourtant le cas des professeurs. Faut il y voir une marque de mépris ?

 

     L'autre jour, le fameux "quotidien de référence du soir" se gaussait de la proposition faite par François Hollande de créer 60 000 postes de "profs" pendant le quinquennat. Avec deux arguments massue :

 

          1° On n'aura pas l'argent ! On en a bien pour alléger la TVA des restaurants ou pour aller guerroyer aux quatre coins du monde mais pas pour l'éducation. Et pourtant, d'après "Le Monde", ça ne coûterait que 360 millions par an. Faut il rappeler que l'endettement n'est pas principalement lié à un excès de dépenses mais à un déficit volontaire de recettes : ce sont  tous les allègements fiscaux décidés depuis des années. Un syndicat a calculé que si les impôts représentaient le même pourcentage du PIB qu'en 1982, les recettes seraient de 142 Millliards de plus.

 

          2° On ne trouverait pas les professeurs. C'est la nouvelle rengaine basée sur le fait que les candidatures au concours ont tendance à baisser. La citation exacte est la suivante : "En 2011, 20% des 4 880 places offertes au CAPES externe n'ont pas été pourvues faute de candidats au niveau En mathématiques 40% des postes sont restés vacants. Dans les matières littéraires, la situation est à peine moins mauvaise. Si le recrutement de 13 000 professeurs pose problème, qu'en sera-t-il lorsqu'il faudra remplacer les 19 000 départs en retraite - avec le PS, fini, en effet le non remplacement d'un départ sur deux ! - et y ajouter les 12 000 "postes Hollande"

     C'est un sophisme qui - malheureusement - est repris par quelques syndicalistes.

 

          - Première remarque : qu'est ce qu'un candidat "au niveau" ? 

 

Si l'on part de l'idée que plus le niveau d'études s'élève, plus le niveau des candidats s'élève (ce qui est un peu discutable mais pas totalement faux), alors, le niveau des candidats s'est élevé car il faut désormais bac +5 pour se présenter aux concours de recrutement et non plus bac +3 (2011 était une année transitoire où on pouvait encore avoir bac +4)

Par ailleurs, il est évident que le concours est fort aléatoire - surtout dans les matières littéraires au sens large (un exemple précis : la même prestation notée 8 une année et 20 la seconde année)  - mais plus il y a de postes au concours, plus les bons élèves ont de chance d'avoir le concours. Et les candidats moyens ont également plus de chance. Un candidat reçu aux dernières places dans les années 70 n'aurait strictement aucune chance aujourd'hui. Et dire que pendant 40 ans, on a laissé sévir des enseignants "pas au niveau".

Car le fait majeur à bien avoir en tête est que le nombre de postes a diminué de façon draconienne par tous les moyens possibles et imaginables : suppression de fait de l'année de formation, non remplacement des enseignants absents, augmentation du nombre moyen d'élèves par classe, suppression des temps partiels sauf exceptions...

Un ex collègue m'a rétorqué que plus le rapport entre le nombre de candidats et le nombre de postes était faible (ex : 2 candidats pour un poste au lieu de 10 pour 1) plus le niveau était faible. Il paraît que c'est scientifiquement prouvé. Je demande à voir ! Est ce à dire que quand il y a très peu de places à pourvoir, seuls les "nuls" se présentent ?

 

          - Seconde remarque : pourquoi y-a-t-il une baisse des candidats aux concours ?

 

Il y a une première raison : si les chances de réussite sont si aléatoires, beaucoup se demandent si le jeu en vaut la chandelle.

S'ajoute un élément conjoncturel : les étudiants munis de la licence pouvaient se présenter avant la "mastérisation" ; comme il sera désormais nécessaire d'avoir le master, ceux qui avaient arrêté leurs études ont été piégés. Et ça fait du monde !

Et, surtout, il faut savoir que les enseignants débutants sont payés au lance pierre. J'avais calculé, il y a 5 ans, qu'au rythme où évoluaient le SMIC et les salaires des fonctionnaires, les enseignants débutants seraient au SMIC en 2020. Depuis, le SMIC a été moins revalorisé qu'avant et le gouvernement a augmenté le salaire de début de carrière du fait du recrutement à bac +5 mais la tendance est là. Les enseignants débutants sont parmi les plus mal payés d'Europe (par contre, du fait d'une progression aberrante, les fins de carrière ont un niveau de revenu comparable à ceux de leurs collègues européens). Il  faut ajouter que les primes sont inexistantes en primaire et faibles en secondaire (sans commune mesure avec celles d'autres fonctionnaires). Il faut avoir la vocation pour être enseignant !

Quand on a un bon niveau scientifique, il faut être singulièrement masochiste pour se présenter aux concours alors qu'on peut gagner dès le départ une fois et demi plus en exerçant un autre métier. Le raisonnement est un peu différent pour les professeurs des écoles et les professeurs du second degré non scientifiques qui ont souvent moins de choix.

Si on ajoute au tableau la dégradation des conditions de travail et de formation qui transforme souvent les premières années en cauchemar, on comprend mieux qu'il y ait une crise des vocations.

 

          - Et le plus scandaleux pour finir :

 

Vous avez lu la citation : alors même que le nombre de postes se réduisait comme peau de chagrin, des membres de jury ont osé décider - ce n'est pas nouveau mais ça semble s'aggraver - de ne pas pourvoir tous les postes disponibles. Et ce n'est pas une paille  : près de 1 000  candidats ont été spoliés. Il faut savoir, par ailleurs, qu'il n'existe plus de liste complémentaire et que si un candidat réussit 2 concours en même temps, c'est un poste de perdu pour les autres.

Le gouvernement devrait tisser des lauriers à ces ..... (je ne trouve pas le mot et je risquerais d'être trop dur) qui font du zèle. Mais, au fait, avaient ils le "niveau" quand ils ont obtenu le concours ?

Tous les syndicalistes devraient se retrouver sur un mot d'ordre simple : "Tous les postes au concours doivent être pourvus".

Certains pourront se dire : si 1 000 postes ne sont pas pourvus, des dizaines de milliers  enfants n'auront pas d'enseignants. C'est confondre poste de fonctionnaire et enseignants. Car si il manque 1 000 titulaires, on embauchera 1 000 non titulaires payés encore plus mal et que l'on peut jeter comme des kleenex (les gouvernements de droite successifs n'ont eu de cesse que de liquider toutes les maigres avancées obtenues par les luttes des non titulaires au cours des années 70). Et c'est là que la rengaine de la "baisse du niveau" confine au génie : en effet, ceux qui sont embauchés comme non titulaires sont souvent ceux qui ont été recalés car "pas au niveau"  et avec un mode de recrutement qui se préoccupe rarement du niveau réel et de l'expérience des précaires embauchés.

 

     Nul doute que si un gouvernement décidait, à la fois, de recréer des postes d'enseignants et d'améliorer la condition des professeurs, il n'aurait aucun mal à trouver des candidats sérieux et motivés. Encore faut il ne pas se laisser abuser par le discours en vogue de dénigrement systématique du service public et des fonctionnaires.

 

 

 

 

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31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 11:43

 

Lettre adressée au SGEN académique le 23 janvier 2007 à propos d'un article du "Monde" analysant une étude universitaire sur la paupérisation des enseignants

 

 

AU SUJET DE L’ETUDE SUR LES SALAIRES DES ENSEIGNANTS

 

 

      L’étude des 3 universitaires sur l’évolution des salaires des enseignants (1) depuis 45 ans est très intéressante, en particulier par les graphiques qu’elle contient. J’avais écrit un article sur le même sujet, dans le journal du syndicat de la Sarthe après avoir comparé mes bulletins de paie depuis 1967 et les salaires bruts actuels à différents échelons (2). Cette fois ci, le travail est plus fouillé et, surtout, il donne une caution universitaire à la revendication syndicale de rattrapage des salaires au moment où le ministre de la Fonction Publique se glorifie d’accorder une rallonge de 0,3% d’augmentation par rapport aux 0,5% déjà prévus et où son collègue du budget répand la légende de certifiés finissant à 4100 euros par mois (même les IA –IPR HC en fin de carrière sont en deçà !)

 

J’émettrais cependant quelques réserves aussi bien en ce qui concerne les analyses que les explications fournies.

 

Tout d’abord, il y a l’oubli, volontaire ou non, de la hors classe mise en place depuis la revalorisation en 1989.

 

     Ce n’était pas la revendication du SGEN mais il faut reconnaître que, pour ceux qui en atteignent le dernier échelon (7èmepour les certifiés, 6èmeéchelon et 3ème chevron pour les agrégés) l’augmentation est sensible par rapport au dernier échelon de la classe normale de ces 2 corps. Ainsi, pour les agrégés on passe de l’indice 821 au 11èmeéchelon de la classe normale à l’indice 963 pour le A3 de la hors classe (gain automatique de 142 points en 3 ans) et pour les certifiés, c’est respectivement 658 et 783 (+ 125 points)

 

      De ce fait, l’écart hiérarchique ne s’est pas réduit depuis 1960 mais il s’est accru : entre l’indice de départ et l’indice final, le rapport est de 2,24 pour les certifiés et de 2,54 pour les agrégés.

 

      Le problème est que tous les enseignants du second degré n’atteignent pas le Graal (ou mieux encore, pour les certifiés, devenir agrégés par liste d’aptitude) et que ce sera de plus en plus, à l’avenir, au « piston » et non plus, pour les moins chanceux, à l’ancienneté. Ce qui doit nous amener à demander haut et fort que la hors classe soit supprimée au profit d’échelons supplémentaires (de 12 à 14) dans la classe normale.

 

Les auteurs de l’article semblent choqués que l’écart hiérarchique se resserre.

 

     Même s’il n’en est rien, comme on vient de le voir, il faut s’étonner de cette attitude car il est, au contraire scandaleux qu’il y ait une telle différence de rémunération entre salariés qui réalisent les mêmes tâches. C’est même plus grave car si l’on calcule le salaire brut divisé par le nombre d’heures de cours, on voit que l’agrégé en fin de carrière gagne plus de 3 fois plus par heure de cours que le certifié débutant. Notre revendication doit donc être de relever beaucoup plus rapidement les salaires du bas de l’échelle hiérarchique des enseignants : en net, le salaire à l’échelle 1 des certifiés n’est plus qu’à environ 1,3 fois le SMIC et l’écart avec les cadres débutant dans le privé est désormais considérable.

 

Un autre aspect aurait mérité attention : la pyramide des âges des enseignants des professeurs de lycées et collèges (elle a été publiée récemment dans « Le Monde »)

 

     On constate que la part des plus de 50 ans est élevée ce qui signifie que les « fins de carrières » sont nombreux ; donc que le salaire net de la moyenne des enseignants est plus élevé qu’on ne pourrait le constater si le pourcentage des jeunes était plus fort (ce qui était le cas à la fin des années 60 et dans les années 70) ce qui contribue à masquer la « paupérisation »

 

Après avoir démontré, avec les réserves faites plus haut, que les enseignants se « paupérisent » pour reprendre le titre de l’article du « Monde » qui analyse cette étude, les auteurs tentent des explications qui, à mon avis, montrent une certaine méconnaissance des ressorts de la négociation syndicale.

 

      Première affirmation contestable : les syndicats enseignants du second degré auraient mal défendu leurs mandants sur ce sujet.

 

     Problème : les syndicats en question n’ont pas la responsabilité de la négociation. En effet, dans les organisations confédérées, ce sont des unions de fonctionnaires qui en ont la responsabilité ; c’est dans ce cadre que les enseignants essaient de peser. Or, si la CGT est bien implantée dans la Fonction Publique, la place des enseignants du second degré y est dérisoire hormis pour les PLP qui, eux, ont été mieux lotis depuis 45 ans. Pour FO et la CFDT, les syndicats d’enseignants ont une part relative plus élevée mais beaucoup de militants du SGEN ont toujours été réticents par rapport au « quantitatif » Restent les organisations dites « corporatistes » Il faut rappeler que jusqu’en 1992, la majorité des enseignants adhéraient à la FEN. Celle-ci était dirigée par la tendance UID et le SNI-PEGC (syndicat national des instituteurs et PEGC) ; le syndicat de la FEN pour les certifiés et agrégés était le SNES qui, à partir de 1967, était animée par une tendance rivale : U et A. ; c’était la FEN et non le SNES qui négociait les salaires. Ceci explique en partie la revalorisation des uns et pas des autres. L’exclusion du SNES en 1992 suivie de la constitution de la FSU et de la transformation de la FEN en UNSA a aggravé la division syndicale et affaibli le syndicalisme de l’Education Nationale.

 

 

Deuxième affirmation contestable : les syndicats auraient modéré leurs revendications salariales en échange de l’emploi et de meilleures conditions de travail.

 

C’est une idée très à la mode que d’évoquer un troc ; ne dit on pas que les Français ont assuré la sécurité des salariés les plus âgés aux dépens des jeunes (thèse très contestable du nommé Louis Chauvet) Cette mode ignore totalement les divergences d’intérêt entre salariat et patronat voire (horresco referens) la « lutte des classes » (il est vrai que la confédération CFDT semble l’ignorer également)

 

      Pour ce qui concerne l’emploi, il y a du vrai mais c’est très partiel car la lutte contre la précarité n’a pas été gagnée. En ce qui concerne les conditions de travail, il faut nuancer. Car, s’il est vrai que les effectifs par classe ont baissé dans la plupart des classes depuis 45 ans, cela n’a absolument pas été linéaire et la situation s’est parfois aggravée. Ainsi, la mise en place de la seconde indifférenciée a permis d’aligner les classes à 35 élèves beaucoup plus facilement qu’avant ; idem pour la mise en place des S en lieu et place des C, D et E. D’autre part, les certifiés et agrégés sont les seuls fonctionnaires dont la durée du travail n’a pas diminué depuis plus de 50 ans alors que, par exemple, les instituteurs sont passés de 30 à 26 heures par semaine. Quant à l’obtention de décharges évoquée par les auteurs, on se perd en conjecture. Il est vrai pour finir sur ce point que la mise en place de l’ECJS, des TPE, des modules et la multiplication des demi groupes ont allégé la charge réelle.

 

 

      On pourrait cependant se poser des questions sur les effets pervers du « corps unique » L’idée, portée, entre autres par le SGEN, est que tous les enseignants réalisant la même tâche sous des formes et avec des publics différents, doivent avoir les mêmes échelles d’avancement. C’est en grande partie réalisé puisque les PE, les PEGC et les PLP ainsi que les CPE ont rattrapé les certifiés Or, les détenteurs du CAPES ont, généralement, été recrutés à BAC + 3 alors que beaucoup des autres avaient tout juste le bac voire moins quand ils sont rentrés dans l’enseignement ; en définitive, si on tient compte du diplôme initial, ces derniers peuvent considérer être correctement payés. La situation est d’autant plus frustrante pour les certifiés qu’existe une grave anomalie : la concurrence d’un corps mieux payé pour une tâche identique : les agrégés.

 

Une hypothèse mérite discussion : la féminisation du corps des certifiés (et des agrégés) expliquerait la dégradation de leur situation matérielle.

 

     L’idée implicite serait que les femmes seraient moins combatives que les hommes ou que fournissant un « deuxième salaire » dans le couple (souvent, lui-même composé de 2 enseignants) celui-ci aurait plus une fonction d’appoint. L’évolution du corps des instituteurs, très féminisé, semble infirmer cette analyse mais il faudra creuser le sujet. Notons, cependant, pour terminer, que comme une part très importante des enseignants du second degré vit avec d’autres fonctionnaires, le salaire total du couple est conséquent et régulier si l’on excepte les non titulaires.

 

On peut tirer plusieurs conclusions possibles de ce travail.

 

     La première serait que les enseignants ne sont pas les privilégiés que l’on veut bien présenter : ils ne sont pas trop payés par rapport à ce qu’ils font contrairement à ce que croit l’opinion publique.

     La seconde serait que les syndicats enseignants du second degré, en particulier le SNES, sont nuls ; mais les concurrents du SNES ont-ils fait mieux ? En tout cas, il y a « du grain à moudre »

 

 

(1LES TRAITEMENTS DES ENSEIGNANTS FRANÇAIS, 1960-2004 :  LA VOIE DE LA DEMORALISATION ?  par  Btissam BOUZIDI  Touria JAAIDANE  et  Robert GARY-BOBO - 22 septembre 2006, révisé le 3 janvier 2007, révisé le 31 janvier 2007. Troisième révision le 8 mars 2007. 

(2) J'en déduisais que si l'évolution relative du SMIC et des salaires des enseignants débutants continuait au même rythme, ces derniers seraient payés au SMIC vers 2020.

 

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  • : Le blog de Gérard FRETELLIERE
  • : Sabolien depuis plus de 40 ans. Conseiller municipal d'opposition de 1989 à 2008 puis de nouveau de 2016 à 2020. Ancien responsable syndical. Militant associatif (écologie, défense des demandeurs d'emploi, aide à l'intégration des étrangers). Je circule en ville à vélo ou à pied. Géographe de profession, je suis passionné de voyages et de jardinage. J'ai créé ce blog en 2011.
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