J'en ai ras le bol d'entendre des gens autour de moi - et même des militants qui se disent "de gauche" - critiquer leur voisin "qui ne travaille pas, qui ne cherche pas du travail mais qui touche des allocations, souvent frauduleusement...". Sans parler des mails qui colportent des "informations" dont on ne connaît pas l'origine et qui dénoncent les "assistés". Le discours de Sarkozy (1) et de ses sous fifres sur l'assistanat ou la fraude, relayé par les médias de droite et la télé, s'infiltre dans les têtes comme un poison.
Au lieu de rechercher les vrais responsables du chômage ou du déficit de la Sécurité Sociale, on se laisse intoxiquer par l'idée que le voisin est un fainéant voire un voleur. Et je ne parle même pas de ces "fonctionnaires privilégiés" ou de ces "syndicalistes qui font toujours grève" pour reprendre quelques uns des poncifs du discours réactionnaire.
On a remplacé la solidarité par la lutte de tous contre tous. Mais à ce jeu, tout le monde est perdant sauf ceux qui s'en mettent plein les poches et qui - comme par hasard - sont des amis de Sarkozy. Ceux qu'il a invité au Fouquet's, ceux qui lui ont prêté leur villa ou leur yacht pour ses vacances.
Mais qui sont les "assistés" ?
Croire et faire croire que la France est un pays d'assistés c'est un mensonge pur et simple. Qu'il soit répété mille fois ne fait pas qu'il se transforme par miracle en vérité.
On oublie souvent qu'il y a des millions de personnes qui gagnent de l'argent sans avoir à travailler pour cela :
- Les retraités. Leurs revenus sont fonction de leurs cotisations passées ou de celles de leur conjoint.
- Les chômeurs touchant l'ARE. Là aussi, leurs revenus dépendent de leurs cotisations passées mais, également, de la durée de leur chômage.
- Les salariés en arrêt maladie. Mais la bande à Sarkozy veut les faire passer pour des tire au flanc.
Dans ces 3 exemples, l'argent reçu provient d'une sorte d'épargne assurantielle obligatoire ; on parle de prestations contributives
- Les pères et mères de famille. Ils touchent des allocations familiales en fonction du nombre d'enfants et de leur âge.
- Les femmes enceintes. Elles ont droit à un congé de maternité de 4 mois voire 6 mois.
- Les collégiens, lycéens et étudiants qui touchent une bourse. Pour favoriser l'éducation pour tous
Dans ces trois exemples, l'argent perçu découle de choix politiques : en faveur de la fécondité, de la santé du nouveau né et de sa mère, de l'éducation des plus pauvres.
- Les actionnaires et - en général - tous ceux qui ont "placé" leurs économies. Les plus riches y gagnent nettement plus que le RSA à tel point que certains rentiers vivent dans l'opulence et l'oisiveté. Mme Bettencourt en est l'illustration quasi caricaturale.
Ainsi, avec un bon capital on peut se dispenser d'avoir à travailler pour gagner des sommes souvent importantes. Selon, la formule de Mitterrand, ils "font fortune en dormant" ou, mieux encore ils "se sont seulement contentés de naître" avec une cuillère en argent.
Mais si on laisse de côté les riches héritiers, on constate que le capital accumulé pour être ainsi placé provient généralement de salaires mirobolants qui ne correspondent en rien à une "qualification" extraordinaire. Certains millionnaires pourraient gagner un SMIC ou deux de moins par mois qu'ils ne s'en apercevraient pas. Et ces profiteurs ne peuvent pas se plaindre de leur sort : spectaculaire augmentation des revenus salariaux, baisse des impôts, augmentation des revenus financiers d'autant que le capital est moins imposé que le travail.
La vérité sur les aides sociales.
On ne peut donc parler d'aides que lorsque l'on sort des situations évoquées plus haut. Le choix a été fait de considérer que l'on ne pouvait pas laisser des habitants de la France sans toit ou sans repas sous prétexte qu'ils ne travaillent pas ou que leurs ressources sont insuffisantes pour faire face à leurs besoins élémentaires et à ceux de leur famille. C'est ce que l'on appelle la solidarité nationale.
Il faut remarquer , d'ailleurs, que cette solidarité semble insuffisante quand on sait le rôle des associations dites "humanitaires" qui, en s'appuyant sur la générosité des particuliers et des entreprises, aident les plus démunis. Certains parleront du devoir de charité mais cette exigence doit se doubler d'une exigence de justice sociale.
Pour définir les aides de la collectivité nationale en faveur des plus pauvres, on parle souvent de "minima sociaux". Merveilleuse expression car l'aide est souvent, effectivement, fort minime. Un seul exemple : le RSA dit "socle" est de 466 euros. Les autres allocations en faveur des chômeurs ayant épuisé leurs droits ou attendant la retraite (qui s'éloigne de plus en plus) sont également, le plus souvent, faibles. Et ne pas oublier que - dans la plupart des cas - l'aide dépend des ressources du ménage (revenus du conjoint mais - également - patrimoine dans le cas du RSA). Bref : les conditions sont fort strictes. Un exemple : l'ASS que peuvent demander les chômeurs ayant épuisé leurs droits est calculée en fonction des revenus du couple ; le plafond étant autour de 1700 €, si l'un des deux gagne autour de 1500€ (ce qui ne représente que un tiers de plus que le SMIC), l'autre n'aura que 200 € à peine. Et l'on parle d'assistanat !!!
Niveau tout aussi modeste pour l'aide aux personnes âgées qui n'ont pas de retraite ou une retraite minime. Etc...
Si on ne retrouve pas de travail, on ne peut que continuer à vivoter. Dans ces conditions, ceux qui refusent de travailler alors qu'ils le peuvent sont rares et stupides.
Et les abus ?
Il y en a ; c'est évident et personne ne le nie. De même qu'il y a des voyous qui font fortune - souvent temporairement - grâce à divers trafics. Mais c'est une infime minorité.
Les cas les plus fréquents d'abus sont le fait de se déclarer famille mono-parentale alors que l'on vit en couple ou de travailler au noir. En général, ça ne dure qu'un temps et les sommes indûment perçues sont sans commune mesure avec les diverses fraudes et escroqueries que peuvent se permettre les "délinquants en col blanc".La famille Bettencourt en donne encore un bon exemple : évasion fiscale, salaires faramineux pour un travail quasi inexistant....
Tout aussi scandaleux, le cas de ces PDG, journalistes en vogue ou amuseurs publics qui continuent à occuper des postes fort lucratifs alors qu'ils ont largement dépassé l'âge de la retraite. Ce qui s'appelle voler le travail aux jeunes.
Plutôt que de multiplier les mesures répressives et les déclarations tonitruantes, il suffirait d'améliorer les contrôles mais on ne peut pas - à la fois - prôner le moins d'Etat et se plaindre de l'affaiblissement de celui-ci.
Il ne faut pas oublier, par ailleurs, qu'il est facile de traiter de fainéant le voisin qui n'a qu'un temps partiel et des horaires si atypiques qu'on croit qu'il se tourne les pouces alors qu'il gagne sa vie à la sueur de son front.
Alors que les écarts de richesses s'accroissent scandaleusement, il faudrait peut être se concentrer sur l'essentiel : que chacun puisse vivre dignement.
(1) Sarkozy avait annoncé la couleur en 2007. Citation de sa "profession de foi" pour le second tour : "La France ne peut pas continuer à en faire toujours plus pour ceux qui fraudent, abusent, ne veulent pas travailler et toujours moins pour ceux qui travaillent, font des efforts, respectent les principes essentiels d'une vie en société..." Rien contre ceux qui spéculent !