"L'Express" s'intéresse à Sablé

     Ci-dessous, un article paru dans le n° 3360 du 25 novembre 2015 après un petit séjour d'Élise Karlin dans notre ville les 19 et 20 novembre dernier. 

     Manifestement, la journaliste n'a pas lu les nombreux articles de mon blog consacrés aux immigrés à Sablé ainsi qu'aux rapports entre religion et politique.

     Par exemple :

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-babel-sur-sarthe-1- 107865637.html, 

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-babel-sur-sarthe-2-107879029.html, 

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-babel-sur-sarthe-3-107969150.html, 

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-babel-sur-sarthe-4-115601975.html, 

http://gerard.fretelliere.over-blog.com/article-babel-sur-sarthe-5-125494474.html 

     Je ne lui reproche pas mais j'aurais aimé plus de professionnalisme. Car cet article crée plus de confusion qu'il n'éclaire la situation. 

Après les attentats, jours fragiles autour de la mosquée de Sablé

Dans cette petite ville de la Sarthe, une mosquée a été inaugurée en février dernier. Les différentes communautés vivent en bonne intelligence, grâce aux efforts constants des responsables,...

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/apres-les-attentats-jours-fragiles-autour-de-la-mosquee-de-sable_1739046.html

     Commençons par une question : pourquoi la journaliste a-t-elle choisi Sablé pour parler des musulmans et pas une autre ville ? Question sans réponse sauf par une allusion au fait que François Fillon a été maire de la ville de 1983 à 2001. Ceci explique peut-être cela. 

    Le thème de l'article est "la cohabitation entre les différentes communautés". Mot à la mode, dérivé directement de l'anglais "community" et qui est fort vague, en particulier dans cet article. En effet, Mme Karlin mélange en permanence les concepts. Parle-t-elle des musulmans qui semblent être le sujet principal des interrogations de ses lecteurs, quelques jours après les attentats commis au nom de l'Islam ? Évoque-t-elle les immigrés ou les étrangers ? (deux mots qui, il faut le répéter, n'ont pas la même signification). Fait-elle référence au fait qu'il existe nombre de personnes dites "de couleur" ? Résultat : en entretenant la confusion, elle renforce ce que peuvent penser certains qui mettent un signe d'égalité entre musulmans, étrangers et Noirs (ou Maghrébins). Ce qui - comme je l'ai écrit à de nombreuses reprises - est faux. Ce manque de rigueur est fort gênant. 

     Il est vrai que son article a été largement écrit après un entretien avec les deux responsables les plus connus du CICS (Conseil Intercommunautaire Citoyen Sabolien) créé en avril 2010 et dont les statuts ne font aucune allusion à la religion (qu'elle soit musulmane ou autre) comme on peut le constater sur le site du Journal Officiel : http://www.journal-officiel.gouv.fr/association/. Il s'agit de son président et de son président d'honneur bien intégrés à Sablé puisque l'un d'entre eux fut président du Lion's Club et vice-président de la Croix Rouge locale (ce qui explique le passage de l'article où on cite Pierre Poujade, ancien responsable de la Croix Rouge, qui a aidé à la création du CICS) et qui jouent un certain rôle dans l'association gérant la mosquée. Que ces deux personnes soient de confession musulmane ne devrait pas amener à conclure que le CICS représente cette religion. On peut donc espérer que lorsqu'ils rencontrent le maire et le curé de la paroisse catholique, ils le font en leur nom propre ou en tant que responsables de l'association gérant la mosquée locale et non au titre d'une association a-confessionnelle. Quant au CICS, il souhaiterait être reconnu comme l'interlocuteur principal de la mairie pour parler au nom des étrangers ou immigrés saboliens de diverses cultures mais ce n'est absolument pas le cas : il s'agit d'une association parmi une douzaine d'autres regroupant des Saboliens de diverses origines. Par conséquent, écrire : "Un CICS qui gère sa communauté d'une main de fer avec le soutien et l'appui de la mairie" relève du roman.

    Autre problème : les statistiques. L'article, sans doute influencé par les mêmes sources, écrit : "Aujourd'hui, le CICS compte environ 1000 musulmans inscrits de 38 nationalités différentes contre 300 en 2008 de 18 nationalités" (et le surtitre souligne "on recense 1000 musulmans de 38 nationalités"). Un peu plus loin il est écrit que Sablé compte 15000 personnes. La journaliste a quasiment tout faux !

     Tout d'abord,  il n'y a pas plus de 13 000 habitants à Sablé et, ce qui n'est pas abordé par l'article, il y a environ 30 000 habitants dans la communauté de communes.

     De plus, il n'y a pas des musulmans de 38 nationalités mais - selon le CICS - il y a des habitants de 38 nationalités différentes. On ne sait pas trop d'où sort ce nombre qui n'a d'ailleurs pas grand intérêt sociologique. En effet, les étrangers se déplacent beaucoup et, donc, le nombre de nationalités varie fréquemment. De plus, s'il est probable que l'on rencontre des immigrés provenant d'une quarantaine de pays, ils ne sont pas tous étrangers (exemple : l'épouse d'un ancien Premier Ministre) et, par contre, il y a beaucoup d'habitants du canton qui veulent conserver une autre culture (étrangère !) bien qu'ils soient Français (de naissance ou par naturalisation).

     Quant aux 1 000 musulmans inscrits au CICS, on nage dans la confusion. D'abord parce que le CICS n'a de toute évidence pas 1 000 adhérents et que tous ses membres ne sont pas musulmans. Il est par contre possible qu'il y ait 1 000 personnes de tradition musulmane à Sablé (avec une forte proportion de Français) ce qui représenterait environ 3,5% de la population du canton soit 15 à 20 fois moins que les personnes baptisées chrétiennement. 

     Et les Noirs ? L'article laisse entendre que les Noirs sont étrangers et musulmans. Or, beaucoup de Noirs sont français. Et beaucoup de Noirs ne sont pas musulmans. Par contre, ils sont fréquemment victimes de racisme. 

     Un petit mot sur les mosquées. L'article dit qu'il y en a deux. ce qui n'est pas tout à fait exact.

     Il existe une mosquée "classique" (nommée Essalam) inaugurée au début de cette année (en présence de la préfète ce qui est très tendance que ce soit pour un lieu de culte chrétien ou musulman mais contraire à la loi de 1905). Mais, répétons le, le CICS n'a aucun pouvoir pour diriger ce lieu de culte. En effet, c'est l'Association musulmano-culturelle sabolienne (présidée par Aziz Ben Askar), qui s'en charge, bien que ses buts présentés en tête de ses statuts n'en fassent pas une association cultuelle (il est seulement fait état de "culture musulmane")

     Par ailleurs, une enquête publique a révélé récemment qu'une association culturelle turque possédait également une salle de prière musulmane qui est - par contre - prévue dans les statuts évoquant la gestion "d'un lieu de culte dit mosquée"

     Ceci étant dit, il faut se féliciter des efforts qui sont accomplis par certains notables musulmans pour favoriser la cohabitation de diverses cultures. Efforts également réalisés aussi par  d'autres sans nécessairement que cela ait une connotation religieuse. Cela aurait pu être le coeur de l'article

     Cependant, je garde le plus gênant pour la fin. La journaliste évoque une dame disant que des musulmans fréquentant la mosquée ou des gens parlant arabe l'auraient agressée. On ne joue pas avec le feu ainsi ; on ne publie pas sans vérifier. 

     Cet article est non seulement confus et mal étayé, il est également dangereux de ce fait car il alimente tous les fantasmes et les raccourcis faciles qui font l'ordinaire du discours d'extrême droite.