Sablé a perdu des habitants. Comment l'analyser ?

     La presse a évoqué, récemment, les résultats du recensement 2011 pour toutes les communes de la Sarthe. L'hebdomadaire "Les Nouvelles" a même publié une carte permettant de mieux visualiser l'évolution positive ou négative. Avec une inexactitude : il a omis de préciser que le % d'évolution correspond à l'évolution annuelle moyenne. Pour avoir le % d'évolution entre 2006 et 2011, il faut multiplier le taux indiqué par 5 car il y a eu 5 années. Ainsi, la population de Sablé a connu une baisse de 2,2% entre les deux dates et non de 0,44% comme indiqué. 

     Pour avoir les chiffres pour toutes les communes, il faut chercher "La population de la Sarthe de 2006 à 2011" ou aller directement sur le site de l'INSEE    :  http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=3&ref_id=20636#tableau2.

     On trouve même une carte et quelques lignes de commentaires dont : "À l'intérieur du département, le dynamisme démographique est particulièrement important dans les communes périurbaines composant la deuxième couronne mancelle, ainsi que le long de l'axe Angers - Le Mans".

     On constate que Sablé est passée de 12 602 habitants en 2006 à 12 324 en 2011 soit une perte de 278 habitants en 5 ans. Est-ce le déclin ? L'analyse doit être beaucoup plus subtile. 

     Il faut d'abord tenir compte des nouvelles modalités du recensement.

     Pour une commune comme Sablé, il n'y a plus de recensement exhaustif (c'est à dire de toute la population) à un instant T (par exemple tous les 6 ou 9 ans). La nouvelle procédure est indiquée sur le site de l'INSEE : 

     La loi du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité, a modifié en profondeur les méthodes de recensement. Depuis janvier 2004, le comptage traditionnel est remplacé par des enquêtes de recensement annuelles.

     Les communes de moins de 10 000 habitants continuent d'être recensées exhaustivement, comme lors des précédents recensements mais une fois tous les 5 ans au lieu de tous les 8 ou 9 ans.
     Les communes de 10 000 habitants ou plus font désormais l'objet d'une enquête annuelle auprès d'un échantillon de 8 % de la population, dispersé sur l'ensemble de leur territoire. Au bout de 5 ans, tout le territoire de ces communes est pris en compte et les résultats du recensement sont calculés à partir de l'échantillon de 40 % de leur population ainsi constitué.

     

           Par conséquent, la population est estimée. Ce qui peut créer des distorsions avec le résultat qui aurait pu être obtenu avec l'ancienne méthode. 

     Par ailleurs, même en France, un recensement n'est jamais exact à 100%. Il peut y avoir des oublis ; d'autre part, certaines personnes peuvent avoir intérêt à ne pas se faire recenser pour éviter de se faire repérer.

     Si on analyse les résultats des principales communes de la Sarthe, on constate qu'elles perdent quasiment toutes des habitants : Le Mans, la Flèche, La Ferté Bernard, Allonnes, Mamers, Chateau du Loir, Bonnétable, Arnage, Le Lude.....

     Ceci s'explique par le phénomène de "périurbanisation". Le prix des terrains étant plus bas dans les communes situées à 5 ou 10 km de la ville centre (ou de la proche "banlieue" pour le Mans) ceux qui veulent faire construire mais ont peu de moyens s'y installent ; d'autant plus qu'ils se sentent "à la campagne". Néanmoins, il faut rester près de la zone industrielle Ce qui explique le développement de 4 communes situées au sud-est du canton :  Notre Dame du Pé (+121 habitants et + 22,8%), Courtillers (+119 habitants et + 14%), Précigné (+265 habitants) et Parcé (+110 habitants). Par conséquent, le canton de Sablé gagne encore des habitants de même que la Communauté de Communes. 

     Petite remarque : la population a commencé à baisser depuis le recensement de 1999 (-0,3% par an entre 1999 et 2009 soit -3% en 10 ans et - 324 habitants)

     Il est quand même surprenant que Sablé perde autant d'habitants. En effet, on constate facilement que de nouveaux logements se construisent tous les ans : route de Sillé, route de Laval, Gastines, le Pré (derrière la nouvelle gendarmerie). Au pire, la population aurait dû stagner.

     Comment expliquer ce paradoxe ? 

     1° Phénomène de desserrement. Particulièrement net dans les maisons individuelles occupées par leurs propriétaires. Une famille fait construire ou achète une maison ancienne, s'installe et y élève ses enfants. Les enfants grandissent et quittent la maison où demeurent cependant les propriétaires. On passe de 4, 5, 6 ou 7 occupants à 2 seulement. Voila pourquoi une commune doit construire si elle ne veut pas perdre des habitants.

     Ce phénomène est important à Sablé car la population a beaucoup augmenté dans les années 60 - 70 avec une population de jeunes actifs qui ont vieilli.  Les lotissements pavillonnaires construits à cette époque sont caractéristiques du phénomène mais on le retrouve aussi autour de l'avenue du Général Leclerc, etc...  Quant aux jeunes, soit ils quittent la région, soit ils font construire en dehors de Sablé par manque de moyens. Par contre, les locataires quittent plus facilement leur logement quand il devient trop grand.

     Ce phénomène de desserrement a plusieurs conséquences : 

          - Le vieillissement de la population (et, à l'inverse, le rajeunisement des communes du sud-est du canton). Cette augmentation du pourcentage de plus de 45 ans est en partie compensée par l'arrivée de personnes plus jeunes venant, désormais, le plus souvent, de l'étranger ou de Mayotte.

          - La baisse spectaculaire du nombre d'élèves dans cetaines écoles. C'est particulièrement frappant à Gambetta qui a eu jusqu'à 15 classes.

     2° Les logements vacants

     Si on prend les statistiques de l'INSEE sur Sablé, on a un taux de 9% de logements vacants à Sablé au 01/01/2011 soit 583 logements vides. Un article des "Nouvelles de Sablé" du 31/10/2013 évoque 500 logements vides dans la commune dont la moitié au centre ville. Toujours d'après l'INSEE, le pourcentage n'était que de 6% environ en 1999 avec 365 logements vacants. 

    Il est logique qu'il y ait des vacances plus ou moins temporaires mais on constate donc que le phénomène prend de l'ampleur (près de 220 logements vacants supplémentaires alors que la population a baissé). Faisons un petit calcul : si le taux d'occupation moyen d'un logement est un peu inférieur à 2 personnes, cela signifie que si le taux de vacances était resté le même qu'en 1999, la population serait d'environ 400 habitants de plus. Or, c'est quasi exactement la perte subie entre 1999 et 2011.

     Quels types de logements sont concernés ? 

     Il semble que ce soit aussi bien le secteur privé que le logement social. Les propriétaires autant que les locataires. D'ailleurs, on voit plus fréquemment qu'avant le panneau "A vendre". 

     Pourquoi cette vacance plus importante ? 

     Il y a un faisceau de causes dont il est difficile de déterminer quelle est la plus importante. Loyers trop élevé ? Prix de vente trop élevé ? Taille des logements inadapté ? Logements vétustes ? Crainte de loger en HLM ou dans certains quartiers ?

     Il faut cependant méditer une statistique : l

     La part des ménages propriétaires de leur logement n'est que de 36,8% à Sablé contre une moyenne de 63,7% en Sarthe. La différence est considérable : à Sablé, près des 2/3 des ménages sont locataires alors que cette situation ne concerne qu'un peu plus d'1/3 des Sarthois qui sont donc très souvent propriétaires. Explication : le gros pourcentage de logements "sociaux". Par contre, quand un Sabolien veut "faire construire" il le fait souvent en dehors de Sablé.

     En guise de conclusion 

     Pas de panique ! La population de la CdC augmente ce qui réfute l'idée de déclin. Par contre, la ville de Sablé devient moins attractive. Quels remède ? Ce sera un des enjeux de la campagne électorale.